mardi 10 mars 2015

Terrorisme néo-nazi: un réseau picard suspecté de tentative de meurtre.

Tentative d'homicide, violences, vols, association de malfaiteurs,  trafic de drogue, incendies volontaires, mais aussi  reconstitution de groupes de combat. Ce sont les inculpations qui ont enclenché ce matin l'arrestation de néo-nazis âgés de 20 à 40 ans dans toute la Picardie, et notamment à Compiègne et Chauny.

Ce dernier rappellera peut-être quelque chose à celles et ceux qui suivent de temps en temps la triste actualité du néo-nazisme. 
En 2010 et 2011 cette petite commune avait fait l'objet d'une attention médiatique nationale à cause de la présence de groupes de jeunes et très jeunes néo-nazis , qui affichaient ouvertement leurs idées et se livraient à diverses déprédations et intimidations contre la partie de la population jugée "inférieure". Puis les médias avaient oublié Chauny et la lente gangrène qui gagnait cette commune comme tant d'autres, entretenue par le FN, dont la responsable locale était à l'époque une ancienne dirigeante d'un groupe ultra violent des années 80, le PFN. 

Ce qui se passait à Chauny, la maturation rapide d'une extrême-droite antisémite et raciste, caractérisée à la fois par la montée du Front National et celle de groupes extra-légaux en connexion directe avec le premier n'allait pas vraiment dans le sens du discours qu'on entendait partout: le FN était en phase de dédiabolisation, de normalisation et sa croissance allait entraîner la disparition des "groupuscules" néo-nazis. 

C'était un discours parfaitement absurde: la progression de l'extrême-droite dans les institutions, la notabilisation et les moyens matériels et financiers accrus du FN ne pouvaient que permettre la croissance de l'ensemble de la mouvance fasciste. Sur un terreau favorable et bien irrigué, tout pousse bien. Les jeunes néo-nazis de Chauny ont continué à baigner dans une ambiance culturelle qui banalisait le racisme et l'antisémitisme, dans la conscience d'une dynamique ascensionnelle de l'extrême-droite partout en Europe, avec des victoires électorales même pour les fractions les plus ouvertement assumées du fascisme, comme en Hongrie et en Grèce. Dans ces conditions, ils ne pouvaient qu'avoir envie d'aller plus vite et plus fort. Surtout dans une période où l'impunité leur a souvent été offerte: de fait, l'immense majorité des auteurs de dégradations néo-nazies contre des lieux de culte ou d'autres cibles ne sont jamais retrouvés. 

Les jeunes néo-nazis picards ont grandi comme ceux d'autres régions de France d'ailleurs. Certains sont effectivement entrés au FN , et l'on n'entend parler que de ceux qui se font prendre avec un statut Facebook un peu trop franc. D'autres ont pris le chemin de la lutte armée, qui une nouvelle fois, n'est pas appelée "terrorisme" par les médias en ce qui concerne les arrestations survenues ce matin. 

Encore une fois, le lien n'est pas fait avec d'autres affaires en cours: il y à peine un mois et demi, Claude Hermant, ancien collaborateur du DPS du FN, patron d'un bar "associatif" d'extrême-droite, proche de Serge Ayoub était lui aussi incarcéré pour trafic d'armes. 

Il y a quelques jours, deux néo-nazis , incarcérés pour un braquage avouaient le viol commis dix ans plus tôt sur une fillette de douze ans , à la sortie d'un meeting d'extrême-droite, "pour faire accuser les étrangers " ont-ils dit. En décembre, les membres du groupe Nouvelle Aurore étaient interpellés alors qu'ils projetaient de commettre un attentat contre la synagogue de la Grande-Motte. 

En Allemagne, depuis des mois et des mois, on juge les néo-nazis de la NSU: pendant dix ans, ceux-ci ont assassiné en toute tranquilité au moins dix personnes d'origine immigrée. Ce mois de janvier, leur culpabilité a définitivement été reconnue en ce qui concerne l'attentat à la bombe contre un commerce d'une rue fréquentée par les communautés turques et kurdes à Cologne. Cet attentat avait fait blessés graves. A l'époque, la police et les médias avaient parlé , comme pour toutes les autres crimes liés à la NSU, de "règlement de compte intra-communautaires". 

Aujourd'hui et depuis au moins 20 ans en France, la piste de l'intégrisme et du terrorisme dit "islamiste" est creusée systématiquement, même pour des actes de vol ou de violences légères. On peut donc raisonnablement penser que l'ensemble des actes commis par cette mouvance sont bien comptabilisés et pris en compte, judiciairement et socialement. 

La résurgence des réseaux terroristes d'extrême-droite a elle été négligée et minimisée depuis le début des années 2000. Il ya donc une possibilité que les affaires criminelles dont le plus souvent seule la presse locale s'est fait l'écho ne soient finalement que la partie émergée de l'iceberg brun.

En tout état de cause, un jeune homme Clément Méric est bien mort sous les coups d'un autre jeune homme qui avait grandi dans cette période où l'on a laissé les réseaux néo-nazis agir en toute impunité. Esteban Morillo était originaire de l'Aisne, l'un des départements où ont lieu les arrestations de ce matin.

Deux articles de fond sur la mouvance néo-nazie européenne et française.


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